& les Chroniques
Express
Witch Fever
"Congregation"

"Congregation"
DATES | Sorti le 21 octobre 2022 | Publié le jeudi 15 décembre 2022
ET ALORS | Ça faisait déjà un bon moment que l'on surveillait du coin de l'oeil ce quatuor de jeunes filles de Manchester, très lookées "gothiques", avec une chanteuse en apparence possédée. Alex, Alisha, Amy et Annabelle, rien que des A, comme la note que l'on donnera à cet album, ont sorti deux singles et un mini-LP depuis 2018, et voici enfin leur véritable premier album, "Congregation", plus noir et désespéré que jamais. Ne vous fiez cependant pas au look, même si l'on sent bien à plusieurs reprises des ambiances que n'aurait pas renié UK Decay, pionnier du rock gothique, et inventeurs du terme bien malgré eux, quand celui-ci était encore bourré d'influences punk hargneuses et enragées. Witch Fever est classé sur divers sites web dans le punk/grunge, terme bien réducteur car le son des guitares ne fait pas tout. Grunge, bof, parlons plutôt de noise, de riot grrrls ou d'un rock féministe énervé à la Hole ou Babes In Toyland, avec donc cette tendance death-rock très marquée. Mais peu importe au final : Witch Fever réussit à s'imposer dans un genre pas encore trop répandu (coucou aux françaises de SheWolf) avec un album obsédant et sacrément bien foutu qui fait qu'on y revient même sans s'en apercevoir.

We.The Pigs
"We.The Pigs"

"We.The Pigs"
DATES | Sorti le 26 novembre 2021 | Publié le lundi 24 janvier 2022
ET ALORS | Le premier album des Suédois de We.The Pigs est l’excellente surprise de la fin d’année dernière. Ce quintette originaire de Stockholm n’avait jusqu’ici enregistré que deux discrets singles, mais la sortie de "We.The Pigs" devrait changer la donne en ce qui concerne leur exposition au monde. Les chansons y sont efficaces et robustes, les influences sont héritées de l’indie rock à tendance noisy, shoegaze ou purement pop des 90s. Portés par un chant féminin aérien, We.The Pigs rejoint cette famille de jeunes talents que nous aimons et qui ne refusent pas quelques larsens lorsque l’occasion se présente ; on pense à Manon Meurt, à Pinkshinyultrablast, à Blankenberge ou encore à Be Forest, des formations qui ont essaimé dans toute l’Europe et dont la qualité des productions n’a rien à envier à celles qui créaient la sensation en Angleterre il y a plus de trente ans. Avec ce premier album pop, audacieux et bluffant, We.The Pigs, le pied sur les pédales d’effets, passe ce mur du son que nous adorons tant franchir avec ou sans casque, et délivre ici une sacrée collection cohérente et enivrante de chansons que l’on a envie de continuer de fredonner pendant longtemps. Reste tout de même un point qu’il faudra éclaircir : pourquoi ce drôle de nom ?

Meta Meat
"Infrasupra"

"Infrasupra"
DATES | Sorti le 15 septembre 2021 | Publié le mercredi 12 janvier 2022
ET ALORS | C’est le second album qu’enregistrent ensemble Phil Von (Von Magnet) et Somekilos (2Kilos &More), et si nous étions déjà conquis par leur premier disque éponyme sorti il y a cinq ans, cet "Infrasupra" paru juste avant l’automne confirme que leur alchimie dépasse largement le cadre du side-project. Annoncé par la vidéo de "Trampled" à la chorégraphie sauvage et convulsée, le disque se construit sur des motifs rythmiques incroyables, et impose sa world music mutante, rituelle et tribale. En tout, ce sont dix instrumentaux qui nous donnent l’impression de transformer notre univers quotidien en gigantesque drum-kit, qui nous poussent à frapper sur tout ce qui nous tombe sur la main pour tenter de reproduire ces rythmes syncopés, plongés dans une transe si contagieuse qu’elle prend le contrôle du bout de nos doigts. Les motifs rythmiques qui s’empilent à mesure que chaque titre évolue sont d’une finesse remarquable, chaque couche supplémentaire complexifiant encore un peu plus ces boucles impossibles à recréer en tambourinant sur un coin de table. Avec "Infrasupra", Meta Meat fait du rythme pur un art capital, sans emphase ni fioritures, mais avec talent et raffinement, tout simplement. Un vrai régal.

Marva Von Theo
"Afterglow"

"Afterglow"
DATES | Sorti le 26 février 2021 | Publié le lundi 7 juin 2021
ET ALORS | Nous avions découvert Marva Von Theo en 2018 avec "Dream Within a Dream", le premier album d’un jeune duo venu d’Athènes, et dont la dark pop impressionnait par l’incroyable justesse de son interprétation et par les choix de ses expérimentations. Trois ans plus tard, l’alchimie des compositions électroniques de Theo Foinidis et le lyrisme de Marva Voulgari confine à la perfection sur "Afterglow". Il faut reconnaître que la chanteuse possède une voix charnue et sensuelle, d’une précision telle que son chant si vivant nous donne l’impression de voir danser avec beaucoup de grâce les notes de sa partition. On pense naturellement à Bel Canto et à Pocket Knife Army pour la formule mixte, le timbre de la voix, ainsi qu’un certain penchant pour la prise de risque. Mais les comparaisons s’arrêtent là, car ici chaque titre dévoile la puissance mélodique et le savoir-faire unique d’un groupe pour lequel tout est devenu possible avec ce second disque intelligent et intemporel, à la réalisation minutieuse et remarquable. D’ailleurs, "Afterglow" aurait aussi bien pu être enregistré il y a quinze ans ou bien dans vingt, car sa réussite repose en très grande partie sur une qualité fondamentale : le talent.

Dive
"Where Do We Go From Here?"

"Where Do We Go From Here?"
par Thomas Papay
DATES | Sorti le 11 décembre 2020 | Publié le mercredi 31 mars 2021
ET ALORS | Si il y a un acteur de la scène électronique underground qui se distingue par sa constance dans l'excellence, c'est bien Dirk Ivens. Trente ans d'activisme sans faille aux commandes de formations cultes et radicales telles qu'Absolute Body Control, Klinik, ou Sonar, c'est cette fois derrière son alias Dive qu'il revient en ce début d'année. Sur la forme, rien de neuf, on reste en terrain connu, celui d'une électro industrielle minimaliste puissante et poisseuse ("Inside Your Head"), parfois plus dancefloor ("Leave Me Be"), mais toujours noire et anxiogène . À mi chemin entre les influences proto indus de The Klinik ("Facing the Moon") et la techno mentale et mécanique de Sonar, les titres s'enchaînent et l'effet "marteau pilon" fonctionne à plein. La production musclée et abrasive et le soin apporté aux ambiances ("Dark Place") instaurent un climat oppressant tout en rage contenue et prouvent une fois encore que Dirk Ivens, au contraire de beaucoup de formations électro indus de sa génération évite toujours soigneusement de tomber dans le cliché propre à cette scène et reste au-dessus de la mêlée. Cette virée nostalgique s'avère donc plutôt rafraichissante et salutaire en ces période de disette de dancefloor.

Deathlist
"You Won't Be Here For Long"

"You Won't Be Here For Long"
DATES | Sorti le 29 mai 2020 | Publié le lundi 27 juillet 2020
ET ALORS | Prendre le temps d'écouter ce très bel objet qu’est "You Won't Be Here For Long", c'est accepter de pénétrer dans un univers trouble où règne la pénombre, légèrement enfumé, où l’on respire des vapeurs d'alcool et des relents de sueur. Un endroit où la vision se trouble et où notre discernement s’estompe ; comme si l’on se retrouvait dans un épisode de Twin Peaks ("You Won't Be Here For Long", "I Was Floating") dans lequel on prendrait un plaisir infini à se laisser entraîner, aspiré par cette ambiance légèrement moite, presqu'animale, bercé entre bien-être et malaise. Jenny Logan, originaire de Portland dans l’Oregon, nous offre avec son quatrième album une immersion légèrement noisy, lancinante, entêtante, quasi hypnotique ("Sad High"), qui continuera à vous hanter bien après que l'écoute du disque soit terminée. Deathlist c’est The Jesus à Mary Chain qui aurait été ensorcelé par Chelsea Wolfe, Deathlist vampirise la noirceur de l’un et la douceur de l’autre et parvient à nous envoûter et à nous happer dans son délicieux univers où l’on n’aura de cesse de revenir tant ce qui en émane est d’une beauté quasi magnétique.

Sorry
"925"

"925"
DATES | Sorti le 27 mars 2020 | Publié le mercredi 29 avril 2020
POURQUOI | Les singles précédents l'album
ET ALORS | Quel gifle ce "925" ! Et qu'elle est agréable cette rougeur sur la joue ! La jeune formation originaire de Londres s'amuse avec "925" à rebattre les cartes de l'indie pop en empiétant avec la plus grande finesse sur les plates-bandes de deux trois monstres, et pas des moindres. Ici, sur le refrain de "Right Round The Clock" c'est évidemment à Metronomy que l'on pense lorsque Louis O’Bryen vient doubler la voix féminine d’Asha Lorenz, là, lorsque celle-ci nous rappelle celle de Martina Topley Bird et que s’installe une moiteur et une nonchalance légèrement trip-hop c’est Tricky qui s'immisce, un peu plus loin c'est Pulp et que l'on croise, et tapie dans l'ombre c'est l'énergie de Pixies qui s'impose comme par exemple sur "Perfect" qui porte très bien son nom. Et le tout est organisé d'une façon extrêmement intelligente : c'est frais, c'est enjoué, c'est varié, les mélodies s'installent et l'atmosphère globale redonne ses lettres de noblesse au genre qui d'un coup semble se réinventer totalement. On peine à imaginer que la formation ait pu produire un son aussi mature alors que ce n'est que son premier album. Mais les singles et démos accessible via leur Bandcamp qui ont précédé cette sortie attisent tout notre intérêt ; un bijou comme celui-ci est rare et on va bien prendre soin de lui.

False Heads
"It's All There but You're Dreaming "

"It's All There but You're Dreaming "
DATES | Sorti le 13 mars 2020 | Publié le mercredi 1 avril 2020
ET ALORS | Vous aimez LIFE ou IDLES ? Les nouveaux "punks" des années 20 -des gens sans look, sans attitude et sans les clichés musicaux du genre, il s'agirait plutôt de parler ici de power-pop que de musique punk d'ailleurs- essaiment un peu partout : ils sont de plus en plus nombreux à créer une musique hargneuse à haute teneur énergétique, toutes guitares dehors, sans singer leurs aînés et en y mettant sincérité, passion et surtout, talent. On guettait le trio londonien des False Heads depuis un petit moment déjà, tous leurs singles et EPS étant de brillantes réussites. L'album confirme tout cela, et on y retrouvera avec plaisir plusieurs titres ré-enregistrés pour l'occasion. Tout cela est donc rapide, énergique et rentre-dedans, mais pas seulement, les False Heads étant aussi capables de créer de superbes mélodies à fredonner sous la douche et de distiller, l'air de rien, pas mal de sensibilité et d'émotions à fleur de peau. On pense bigrement aux regrettés Ned's Atomic Dustbin qui avaient marqué l'année 1991 avec leur fameux "Bite", un album aussi mordant que celui-ci. Au final, un excellent disque qui vous permettra de bondir tout seul chez vous, à défaut d'aller tester le pogo dans une salle de concert surchauffée, confinement oblige...

The Coathangers
"The Devil You Know"

"The Devil You Know"
DATES | Sorti le 8 mars 2019 | Publié le jeudi 21 mars 2019
ET ALORS | Les albums passant (déjà le sixième en douze ans, en excluant le précédent), on aurait pu croire que les trois punkettes des Coathangers allaient se calmer mais il n'en est rien (ou presque, à la fin) : au contraire, comme le bon vin, leur musique se bonifie avec le temps. Moins rugueuse, de plus en plus sautillante (impossible de ne pas penser aux géniales Slits ou plus près de nous aux brillantes Mika Miko), pour ne pas dire dansante, mais avec toujours cette putain d'énergie à vous réveiller un mort, en appliquant à la lettre la règle d'or : trois accords suffisent pour faire une chanson. Plus que jamais, "The Devil You Know" fourmille de tubes à chanter sous la douche, avec une musique idéale pour surmonter le marasme du quotidien et vous faire sentir plus vivant que jamais.

LANE
"A Shiny Day"

"A Shiny Day"
DATES | Sorti le 8 mars 2019 | Publié le lundi 18 mars 2019
POURQUOI | Les Thugs
ET ALORS | Forcément, quand on a été marqué à vie (et profondément) par la formidable discographie des Thugs, groupe français mythique des années 90, apprendre que le premier album de Love And Noise Experiment, résumé en LANE, est le nouveau combo des frères Sourice, Pierre-Yves et Éric, accompagnés de Camille et Etienne Belin, de Daria, et du fils de Pierre-Yves, Félix, notre sang ne peut faire qu'un tour, et notre cerveau s'affoler. Avec une petite angoisse quand même : vingt ans après la fin des Thugs, LANE sera-t-il à la hauteur ? Soulagement, et enthousiasme : même voix fragile, mêmes choeurs whooo-hou, mêmes guitares tendues à l'extrême, même basse chantante, même énergie rageuse, même émotion à fleur de peau… LANE réussit le tour de force de ne pas nous donner envie de réécouter les Thugs (on n'avait jamais arrêté), au profit d'un groupe formidable et d'un album bouleversant.
CONNEXE | Années 90
